Afrique, 2025 : la foi au carrefour des datas

À Accra, une startup développe un chatbot spirituel alimenté par l’IA pour répondre aux questions théologiques en temps réel. À Kigali, un pasteur utilise des modèles prédictifs pour anticiper les besoins sociaux de ses fidèles. À Lagos, des prêtres s’interrogent : peut-on confesser un péché à une machine ?

L’Afrique n’échappe pas à la vague mondiale de l’Intelligence Artificielle. Mais sur un continent où la foi structure les sociétés, l’IA ne pose pas qu’un défi technologique. Elle questionne l’essence même de l’humain, du spirituel, du sens. Et l’Église africaine — diverse, enracinée, prophétique — est interpellée.

L’IA, nouvelle idole ou nouvel outil ?

L’Église a toujours été une boussole morale dans un monde en mutation. Mais que faire quand les mutations viennent des machines ? Le danger ici, ce n’est pas l’IA en soi — mais l’oubli de la sagesse dans un monde devenu “intelligent”.

En Afrique, l’IA pourrait être l’occasion d’un progrès inclusif :

Optimisation des œuvres caritatives grâce à la data.

Traduction instantanée de la Bible dans des langues locales minoritaires, permettant une évangélisation plus large.

Aide à la prévention des conflits dans des zones à tensions, en croisant données socio-économiques et discours religieux.

Mais cette même technologie peut, si mal encadrée, déraciner les valeurs spirituelles au profit de solutions froides, automatisées, parfois manipulables. Une Église qui sous-traite son discernement à l’IA court le risque de devenir un algorithme de plus, au lieu de rester une voix vivante.

Le défi prophétique : incarner la vérité dans un monde technique

1. L’Humain ne se réduit pas à un code

La sagesse africaine enseigne que “l’homme est relation”. L’IA peut simuler, mais elle ne peut aimer, souffrir, pardonner. Or, c’est là le cœur du message chrétien. Une Église prophétique en Afrique ne peut déléguer la compassion, le jugement moral ou le conseil à des machines.

Cas concret : Au Burkina Faso, une paroisse testait un programme de prédication générée par IA. Résultat : un message “parfait”… mais sans âme. Les fidèles ont déserté. Ce fut un rappel brutal : la parole prophétique, c’est la chair, l’émotion, l’esprit, pas des lignes de code.

2. Repenser l’éducation théologique

Les séminaires africains doivent former une nouvelle génération de prêtres et pasteurs bilingues en Bible et en data. Il ne s’agit pas de faire de l’IA un ennemi, mais un outil maîtrisé, encadré éthiquement.

À Nairobi, le Tangaza University College a lancé en 2024 un module “Théologie et Intelligence Artificielle”. Objectif : enseigner aux futurs leaders religieux à discerner les enjeux moraux derrière les technologies émergentes.

3. Créer une doctrine africaine de l’IA

L’Afrique ne peut pas copier les débats occidentaux. Ici, les traditions orales, la symbolique, les liens communautaires façonnent l’approche spirituelle. Il faut une lecture contextualisée de l’IA, éclairée par la Bible et par les sagesses africaines. Un vrai synode numérique africain devrait voir le jour.

Vers une Église gardienne de la sagesse

Le monde devient plus intelligent, mais pas nécessairement plus sage. L’Église africaine a un rôle unique à jouer : non pas fuir la technologie, mais y injecter sens, mémoire, espérance. L’Afrique a souvent été en retard sur les révolutions industrielles. Elle peut être en avance sur la révolution spirituelle de l’IA, à condition d’oser l’audace prophétique.

Car la vraie question n’est pas “Que peut faire l’IA pour l’Église ?”, mais plutôt : “Quelle sagesse l’Église peut-elle offrir à un monde qui oublie ce que c’est que d’être humain ?”

En définitive, l’IA est un révélateur : elle amplifie ce que l’on est. Pour l’Église africaine, c’est l’heure de vérité : rester une lumière dans un monde éclaté, ou se diluer dans le bruit technologique.

La prophétie aujourd’hui, ce n’est plus seulement dénoncer le mal. C’est interpréter le futur, sans renier l’Eternel. Toujours en traitant de la question : “Comment l’Église africaine peut-elle rester prophétique dans un monde intelligent, mais pas toujours sage ?”

Helly GBENE

CEO du cabinet d’Ingenierie de Formation & Consulting – IF&C Togo

Expert en veille stratégique et développement

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