Professeur de droit à l’université de Lomé, Vice-doyen de cette faculté, ancien Directeur de l’Autorité de Réglementation des secteurs de Postes et de Télécommunications (ART&P), Ex Secrétaire Général du gouvernement Togolais, nommé récemment à la Cour Constitutionnelle du Togo, Le Professeur Thierry Palouki Massina a dédicacé en décembre dernier un livre qu’il a coécrit avec son collègue, feu Ogma Wen’saa Yagla, publié aux Editions «Graines de Pensées ». Dans le but d’en savoir plus sur ce chef-d’œuvre, nous nous sommes entretenus avec lui à travers une interview que nous vous proposons de lire.
Vous avez récemment publié un livre dédicacé en décembre dernier, livre intitulé : « Histoire des Institutions Politiques et du Droit Constitutionnel Togolais », dites-nous à quel besoin répond la publication de cette œuvre ?
Je dirai d’abord que le besoin est universitaire, parce que chaque pays doit se construire sa propre histoire, éditer ses propres ouvrages sur ce qui se passe à l’interne. En matière juridique au Togo, il n’y a pas d’ouvrage général sur une matière, il y a plutôt des articles et des publications sur des domaines particuliers qui sont forts nombreux et intéressants mais qui ne reflètent pas toute la vie du pays sur un certain nombre de données. C’est pour cela qu’il était important à un moment donné que l’on s’arrête pour faire le point des institutions que nous avons eues au Togo depuis la colonisation jusqu’à nos jours, et du droit constitutionnel qui nous a gouvernés depuis que nous sommes sous mandat, puis sous tutelle, parce qu’il y a eu des dispositions constitutionnelles qui n’étaient pas les nôtres, mais dictées par le colonisateur. Il s’agit également de décrire, à partir de 1960, les différents régimes que nous avons enclenchés, l’usage que nous en avions fait, comment ça a marché sur le plan juridique et constitutionnel mais aussi sur le plan social. Bref, c’est un ouvrage qui est essentiellement pour les hommes qui sont de droit et surtout les étudiants.
Vous veniez tantôt de dire qu’il y a eu des articles et des publications avant votre œuvre. Est-ce à dire que les précédents ouvrages comportaient des manquements ou insuffisances ou mieux encore ne retraçaient pas la vraie histoire du pays tel que cela devrait l’être ?
Les ouvrages précédents traitent d’une époque. Pas de l’époque coloniale jusqu’à la IVe République ou encore jusqu’en 2019 comme l’avons fait. Si vous vérifiez bien, vous vous rendrez compte qu’il y a eu des ouvrages sur la période coloniale, la période sous mandat, la période sous tutelle, des ouvrages qui ont traité des années de l’indépendance et même bien après. Le nôtre a le mérite de reprendre toute l’histoire constitutionnelle et politique du pays depuis l’époque allemande, de 1884 jusqu’en 2019. Son avantage, c’est qu’il donne une vue linéaire de l’ensemble.
Professeur, voudriez-vous nous faire un petit résumé de votre livre ?
Je vous renvoie à la lecture de l’œuvre. Mais je vous dirai qu’au-delà de son intérêt essentiellement juridique, l’ouvrage regorge aussi d’un intérêt culturel pour que ceux qui s’intéressent à l’histoire politique de ce pays puissent avoir un ouvrage de référence, revenir aux sources et s’enrichir. Pour que ceux qui ont le désir de recherches s’en servent. C’est ça la portée de cet ouvrage. Montrer que depuis la colonisation, le peuple togolais a toujours eu du mal à s’accorder sur la manière dont il doit être gouverné, parce que, déjà pendant la très courte époque coloniale allemande, on a connu des contestations et cela a été également le cas par la suite avec une partie des populations à l’arrivée des Français. Une partie de la population préférait la méthode allemande alors que l’autre partie était pour la méthode française. La rivalité entre ces deux camps (pro-Français et pro-Allemands) a envenimé la vie politique du pays. Malgré les tentatives des différents gouvernements qui se sont succédé depuis 1960 avec leur engagement à ramener la paix entre les antis et les pro-Français, il est à noter que ce clivage demeure toujours. A l’époque moderne, où nous sommes, ce n’est plus entre les antifrançais et les pro-français mais c’est entre les démocrates et les antidémocrates, les antidémocrates étant les pro-français et les démocrates les antifrançais. C’est une vie pénible qu’il va falloir dépasser à un moment donné pour prendre les choses dans le bon sens, parce qu’on se rend compte que les règles qui nous gouvernent ne sont pas vraiment adaptées à nos réalités. C’est ce qui perpétue tout ce que nous faisons et vivons. Ceci étant, il faudra, à un moment donné, s’asseoir, remettre les choses à plat, appeler les choses par leur nom, afin de définir ce qui sera adapté à nous, à notre contexte sociologique national.
Ce livre, Professeur, s’agit-il d’un essai ?
C’est à la fois un essai et un manuel pédagogique, manuel pédagogique parce que nous reprenons les classifications académiques des institutions, leurs attributions et leurs compositions et tout le reste ; puis un essai car nous portons notre propre analyse sur le fonctionnement des institutions de la République.
Le jour de la dédicace, certains ont émis le vœu de vous publier d’autres ouvrages allant dans le même sens. Peut-on donc s’attendre à cela dans les moments à venir ?
Ce qui a été fait, c’est le point sur la gouvernance du pays. Ce que les gens nous ont demandé (à nous les juristes), c’est d’écrire d’autres ouvrages (généraux) sur d’autres matières. Les juristes qui étaient dans la salle ont promis que dans l’avenir il y aura des ouvrages sur le droit constitutionnel, sur la justice constitutionnelle et sur la gouvernance politique. Justement, sur ce dernier plan, le Professeur Ahadzi-Nonou a quelque chose en cours. Nous estimons qu’il est temps qu’on ait des ouvrages de référence pour que lorsqu’on enseigne chez nous, que les étudiants utilisent les ouvrages que nous avons écrits et qui retracent la réalité de nos pays, plutôt que de faire toujours référence aux œuvres étrangères.
Merci Professeur !
Je vous remercie.
Des propos recueillis et transcrits par Jacob Koffi ATALI